Promesse sous la neige...

Une très simple histoire... qui pourtant comporte le fin fond de certaines de mes pensées.




C’était un jour de neige. Oui, il neigeait ce jour là. Ce n’était pas noël, mais on n’en n’était pas loin non plus. Octobre n’était pas encore achevé.
Et pourtant…
Cette ambiance dans la rue, ces visages joyeux, ces familles réunis, ce n’était pas noël, mais ça y faisait penser. Les enfants se lançaient des boules de neige, touchant parfois des passants qui soit riaient, soit les traitaient de voyous. Le simple reflet de la société.
Et pourtant…
Ces personnes maussades qui pestaient après ces futurs délinquants comme ils les appelaient, n’avaient-ils pas été comme eux à une époque ? Même s’ils avaient grandi durant la période de la deuxième guerre mondiale, il y avait forcément eut de ces rayons de soleil.
Et pourtant…
Un jour, un petit groupe assista à quelque chose de similaire. Qu’importe, on pouvait dire ce qu’on voulait, le Japon n’était pas aussi enviable qu’on le pensait. Les adultes pas aussi respectueux que ça. Tout ça, ce n’était qu’un immense tissu de mensonge, la réalité en était tout autre… Un jour, le jour où commence l’histoire, un homme, chef d’entreprise qui venait de dépasser la quarantaine, rentrait chez lui, comme d’habitude. On venait de lui refuser un contrat très important, c’était sans doute ce qui pouvait expliquer sa mauvaise humeur. Mais lorsqu’il se prit cette innocente boule de neige destinée à l’enfant à côté, il les attrapa tous les deux, leur tira les oreilles et les sermonna. Devant tout le monde. Des futurs délinquants… Des futurs déchets de la société qui feraient couler le pays encore plus. N’importe quel parent se serait offusqué d’un tel comportement.
Et pourtant…
Personne ne fit rien. Ces deux pauvres gamins semblaient être condamnés à un sermon. Mais il fallait s’y opposer. Par respect, on n’interrompt jamais quelqu’un qui parle. Mais lorsque l’on n’est pas du pays, on n’a aucun scrupule à le faire. Et c’est ce qui se passa. Un garçon s’interposa. Il portait l’uniforme du lycée du coin. Il défia l’homme du regard. Derrière lui apparut une jeune fille, qui portait le même uniforme. Elle tendit les mains vers les deux enfants qui s’y précipitèrent. L’homme les regarda dédaigneusement et partit sans mot dire. On ne lui avait pas coupé la parole. C’était pire.
Quelqu’un venait de s’opposer à lui.
Et ce n’était pas tolérable que de tels gamins fassent une chose pareille. Pendant ce temps, les deux enfants pleuraient à chaudes larmes. Les deux lycéens décidèrent de les raccompagner chez eux. Chose vite faite. Les parents les remercièrent, ils étaient contents soi disant que leurs enfants aillent bien.
Et pourtant…
Quelle était cette colère indescriptible qui était apparue dans leurs yeux ? Etaient-ils donc aussi fâchés que leurs enfants se soient amusés comme ils le pouvaient ? Ce ton, encore plus froid que la neige ne semblait pas aussi reconnaissant qu’ils voulaient le faire croire. Peut être que les deux lycéens l’interprétaient mal…
Et pourtant…
C’était ça. Et si les choses gardent cette tournure…
Il s’agira effectivement du reflet de notre société.

Qu’allait-il arriver aux deux lycéens ? Tout simplement la même chose qu’à tous les lycéens de troisième années : ils allaient rentrer chez eux et étudier pour les examens qui allaient se tenir d’ici quelques mois. Les concours d’entrées pour les différentes écoles. Mais contrairement aux autres, ils ne postulaient pas pour des écoles japonaises.
Et contrairement aux autres, ils n’étaient pas japonais.
Des français. Comment des lycéens pouvaient-ils se trouver ici ? C’est une question qui n’a aucune importance. Contrairement à ce que les gens pourraient penser, ils n’appartenaient pas à la même famille. C’était des amis, tout simplement. Ils vivaient ensemble pour éviter d’avoir trop de charge à payer, se fichant totalement de la pensée des autres.
La jeune fille s’arrêta un instant et tendit la main vers le ciel. Les flocons se remettaient à tomber. Mais cette neige était si éphémère que c’en était triste. Elle reprit son chemin et rattrapa son ami. La vie semblait si simple.
Et pourtant…
La vie est en elle-même une chose si éphémère, qui peut s’en aller aussi vite qu’elle est venue. Elle ne nous accorde que le nom, c’est à nous de façonner la vie comme on l’entend. Mais elle peut prendre des parcours si différents… Il s’agit en réalité d’une longue succession de choix. Donc au final, il ne nous reste que très peu d’option. Et la vie n’est pas éternelle. Certains experts et adeptes s’accordent à croire qu’il y a une vie après la mort. Si c’est réellement le cas, il faudrait alors chercher pourquoi est-ce qu’il nous est accordé une nouvelle vie. Mais ce genre de spéculations n’ont rien à voir avec notre histoire. La lycéenne rejoignit donc son ami. Les voilà arrivés devant le grand immeuble. La neige tomba un peu plus rudement, mais toujours avec autant de douceur. Que faire ? Rentrer ? A vrai dire, les concours ne les intéressaient pas vraiment, puisqu’en avril, ils retourneraient en France. Rentrer chez eux après un an d’absence, rentrer chez eux et retrouver le quotidien de la faculté. La belle affaire, quel serait le pourcentage de chance pour qu’il n’y ait pas de grève ? La situation semblait calme actuellement.
Et pourtant…
Le jeune garçon leva la tête vers le ciel et imita le geste de son ami : il tendit la paume de sa main vers le ciel, attrapant les flocons qui fondaient au contact de sa main gelée. Etrangement, la neige était plus chaude que le reste de l’atmosphère. Un bruit derrière. Une poubelle qui tombe…
Et un chat qui s’enfuit devant le courroux du propriétaire de la dite poubelle. Plus aucune distinction entre les hommes et les animaux. Si quelque chose les nuit, il en fera son ennemi, si c’est bénéfique, il sera son allié à court terme. Alors, à quoi cela peut-il bien servir de grandir ? C’est une question que peu de gens essayent d’approfondir…
Et pourtant…
Tout le monde finit par grandir un jour ou l’autre, même ceux qui ont refusé cette éventualité. La maturité gagne un jour le cœur de chacun. Pourquoi ne pas vouloir grandir ? Pour ne pas ressembler à ces adultes ? C’est sans doute ce que pense la majorité des jeunes qui ont jour décidé de grandir. « Ne ressemblons pas à ces vieux arrogants, soyons mieux qu’eux ! ».
Et pourtant…
Le succès, la réussite, tout ce que vous voulez… Au final, on obtient toujours mieux… Et à force, on finit par devenir comme ces adultes que l’on a méprisés durant toute sa jeunesse. Cette neige était aussi froide que le cœur des hommes. La lycéenne regarda son ami. Ils pensaient à la même chose. Grandir, devenir comme eux… Ils ne le voulaient pas…
Et pourtant…
C’est ce qui se produirait un jour. Tout le monde grandit, pas forcément de la même manière. Certains plaideront à l’enfance malheureuse, d’autres à des choses qu’on les aura forcé à faire, et enfin, ceux qui auront vécu en axant leur position sur celles des autres. Il y a tant d’autres catégories, mais pour ces deux lycéens qui craignaient pour leur avenir, c’est ce qu’il y avait de plus évident. La neige fondra bientôt, mais le cœur des hommes restera toujours aussi froid tant qu’ils n’auront pas compris qu’il y a plus important dans la vie que la réussite.
« Mon ami, je ne veux pas être comme eux, mais je crois que ce sera quelque chose d’inévitable si on ne fait rien. Malheureusement, nous sommes des humains et les choses ne peuvent pas changer juste parce que nous le voulons. Un jour, il faudrait pouvoir travailler main dans la main pour s’en sortir… Apprendre la solidarité… Si le cœur des hommes pouvait se réchauffer aussi vite que la neige fond, tout ne serait pas aussi compliqué…
Et pourtant…
Il y a quelque chose que l’on peut faire. »
Son ami la regarda. Des yeux brillants de détermination.
« Si je dois devenir un jour comme eux, alors soit, je m’y résous. Toi aussi si ça se trouve… Cependant, on peut faire en sorte de ne pas être aussi pourri qu’eux. »
Elle lui adressa un large.
« Promettons nous sous cette neige de toujours rester nous même. Si la neige est éternelle, alors notre promesse aussi. »
Elle tendit son petit doigt. Son ami le serra avec le sien. Quoi qu’il arrive, toujours rester soi-même et éviter de perdre ce qu’il reste de nous.
« C’est une promesse éternel mon ami… »